Le site de Montauban – Entre nature, patrimoine & art contemporain
Publié le 01.08.2021
Lieu: Montauban
Le site de Montauban-Buzenol – Entre nature, patrimoine et art contemporain (Un article de Françoise Lutgen et Jacques Cornerotte)
Montauban…Voilà un lieu de Gaume (Etalle-Virton) exceptionnel à divers titres. Par sa nature d’abord, un biotope préservé où coulent des ruisseaux, alimentant un étang, le tout entouré de collines et forêts qui s’étendent sur plusieurs kilomètres. De multiples espèces végétales et animales s’y épanouissent, rares pour certaines. Autres atouts majeurs du site : son histoire, son patrimoine et l’art contemporain qui fait dorénavant partie intégrante du lieu. A Montauban/Buzenol, vous traversez le temps, depuis l’époque gallo-romaine jusqu’à l’art contemporain, en passant par la légende des quatre fils Aymon (Moyen-Age) et par les vestiges des forges (16ème- 19ème siècles). Cet espace naturel et sauvage, imprégné d’histoire/s, mérite le détour comme il demande qu’on s’y attarde avec attention. Et respect.

L’étang – Installation de Laurent Trézegnies
Il permet qu’on l’aborde sous un seul de ses angles comme il invite à se munir de bonnes chaussures pour y naviguer quelques heures entre vestiges, installations artistiques et chemins de forêt. Une balade ressourçante, riche et variée, à faire seul, en famille ou entre amis.

Montauban-haut – Vestiges de fortifications
Le Centre d’Art Contemporain du Luxembourg belge – CACLB.
CACLB
Rue de Montauban
B-6743 Buzenol (Etalle)
+32 (0)63 22 99 85
info@caclb.be
http://www.caclb.be
Fondé en 1984, le CACLB a pour mission le soutien, la diffusion et la promotion des arts contemporains en Luxembourg belge. Installé au départ à la Grange du Faing à Jamoigne, il a déménagé sur le site de Montauban en 2007.
Chaque année, d’avril à octobre, trois expositions.
Les artistes invités viennent rencontrer, interroger, surprendre le site tout en s’y intégrant de façon poétique et percutante. Les créations s’installent directement dans le milieu naturel, dans la vallée du Gros Ruisseau et sur son étang, au centre et autour des ruines des anciennes forges ou bien encore dans la forêt de Montauban-Haut.
D’autres œuvres (peintures, sculptures, gravures, vidéos…) trouvent place dans les espaces fermés : parfois au Musée lapidaire, toujours dans les pièces intimistes du petit bureau des anciennes forges et, depuis 2014, dans l’Espace René Greisch, cette étonnante structure composée de containers maritimes.
L’Espace René Greisch ?
Une infrastructure/sculpture audacieuse et intégrée
L’idée originale des containers, on la doit à Alain Schmitz, l’ancien directeur artistique du CACLB. Une option insolite et peu coûteuse qu’il a bien défendue. L’idée de départ s’est développée directement sur le site en étroite collaboration avec les Bureaux d’architecture et d’étude Greisch de Liège, réputés pour leurs réalisations architecturales de pointe comme le Viaduc de Millau. Le Bureau Greisch a travaillé sur le projet de Montauban à titre gracieux, cela mérite d’être souligné.
Agencer ces quatre containers maritimes en une structure cruciforme était un défi de taille. Beaucoup de challenges devaient être relevés. D’abord réussir la prouesse technique d’un montage solide d’éléments de transport non destinés à la construction (3,8 tonnes et 12 mètres de long pour chaque container) tout en préservant l’équilibre et la légèreté de l’ensemble.
Ensuite, part essentielle, il s’agissait d’offrir aux artistes et aux visiteurs des espaces d’exposition spacieux, intéressants et lumineux tout en créant un volume architectural qui vienne s’intégrer harmonieusement dans le site boisé.
Le pari est plus que réussi ! Artistes et visiteurs sont ravis par cette archi-sculpture teintée de rouge (la couleur originale des containers) se détachant sans heurt des verts naturels qui l’embrassent. En visitant les œuvres exposées au premier étage, inondé d’une belle lumière naturelle, vous pénétrez la nature environnante et vous vous retrouvez perchés à la cime des arbres tout en profitant d’une vue plongeante sur une grande partie des anciennes forges et des étangs. Les œuvres en place au cœur du site bénéficient ainsi de multiples angles de vue, sans cesse renouvelés.
Accueil et visites des expositions.
Le site extérieur est ouvert et permet la circulation des visiteurs toute l’année, en toutes saisons. Certaines installations restent en place en extérieur.
Durant l’été, les espaces d’exposition sont accessibles du mardi au dimanche de 14h à 18h.
Le reste de l’année, les expos sont ouvertes les mercredis, samedis et dimanches de 14h à 18h ou sur rendez-vous.
A noter que la visite des expositions est toujours libre d’accès. Tous les publics y sont bienvenus : amateurs d’art contemporain, visiteurs du site archéologique, promeneurs, familles, enfants, touristes qui aiment associer nature et expos… Les membres de l’équipe du CACLB accueillent les visiteurs curieux ou interpellés par les oeuvres en les aidant à mieux entrer dans le travail des artistes présentés. Un carnet de visite est offert à tous.
Expositions été- automne 2021 :
52 Hertz du 12 juin au 29 août
M/ondes du 11 septembre au 24 octobre
www.caclb.be/fr/programmation/expositions
« Faire la bonne chose, au bon endroit, au bon moment, tout l’art est là. »
Joseph Beuys
Le site de Montauban, une longue histoire… (Un texte de Jacques Cornerotte )
L’éperon barré – D’ici, plus de 2.000 ans vous contemplent
Le site est idéal pour se retrancher en cas de danger : entouré de vallons profonds, il est naturellement protégé. On lui connait trois périodes successives d’occupation. Différentes campagnes de fouilles ont révélé des éléments qui font penser à un premier aménagement dès les débuts du Second Age du Fer, ce que les archéologues nomment l’âge de la Tène (entre 450 et 25 avant Jésus-Christ). C’est l’apogée de la civilisation celtique avant les temps troublés de la conquête romaine et des invasions germaniques. Dès le 3ème siècle et jusqu’à la fin du 8ème siècle, il faut se protéger des troubles civils et militaires qui secouent régulièrement la Trévirie. Un nouveau rempart est donc construit avec des blocs provenant de monuments funéraires élevés par de puissantes familles aristocratiques de la région.
A la fin du premier millénaire, un donjon est élevé à l’extrême pointe du promontoire. Les murs mesurent par endroits plus de trois mètres d’épaisseur et reposent sur une base formée de blocs de remploi dont une borne milliaire datée du règne de l’empereur Claude. Une de ses inscriptions indique la distance exacte qui sépare Stabulum (Etalle) de Trèves (Augusta Treverorum).
Un site chargé d’histoire
Fin du 17ème siècle, le site est fouillé une première fois. Il révèle déjà des richesses insoupçonnées. A ce moment, l’usine de Montauban-Bas tourne à plein régime : les forges produisent un très bon fer, profitant du Gros Ruisseau et des étangs pour actionner leurs soufflets et forges d’affinage, du minerai extrait dans la région et de la forêt toute proche. Il se dit même que les boulets de canon qui tombèrent sur Sébastopol au moment de la guerre de Crimée avaient été fabriqués ici. Tout s’arrête en 1858. La métallurgie du bassin mosan, nettement plus moderne et alimentée par la houille, a précipité nos petites usines dans la déroute. Heureusement, tout n’a pas été détruit : la maison fortifiée du maître des forges, l’ancienne halle au charbon et le petit bureau édifié au 19ème siècle sont toujours là.

Vestige de la halle à charbon
Retour à Montauban-Haut. Entre 1913 et 1914, deux historiens de la région, l’abbé Dubois et Antoine Verhulst attirent l’attention du jeune musée du Cinquantenaire sur l’intérêt des lieux. Une première campagne de fouilles révèle une vingtaine de blocs sculptés qui prendront le chemin de Bruxelles. Leur étude incite le jeune Musée gaumais à poursuivre.
A partir de 1952, Joseph Mertens, archéologue et maître de conférences à l’UCL, entreprend deux campagnes à Montauban. De nouveaux blocs sculptés sont découverts. En 1958, les sondages révèlent cette fois des pierres funéraires. Parmi ces blocs, un fragment représente la moissonneuse utilisée par les Trévires. Les historiens découvrent enfin à quoi ressemblait cette machine agricole que Pline et Palladius avaient décrite dans leurs textes des 1er et 4ème siècles.
Un engouement surprenant
Cette découverte crée une affluence aussi soudaine qu’improbable à Montauban. La presse nationale s’empare de la nouvelle. Time et Life envoient même des journalistes à Montauban. Edmond Fouss, le conservateur du Musée gaumais, est ravi de voir l’intérêt porté au site. Il aimerait que les pierres exhumées soient mises en valeur sur les lieux mêmes. Qui va concevoir l’écrin destiné à recueillir ces témoins essentiels de l’Antiquité en Gaume ?
Le Musée lapidaire
Pour compenser les sommes allouées à l’Expo universelle de ‘58, le Ministère de la Culture souhaitait attribuer des subsides destinés à financer des projets culturels dans les provinces.
Edmond Fouss, profitant de cette aubaine, fut assez rapidement conquis par les conceptions avant-gardistes d’un jeune architecte qui avait dessiné, entre autres, la toiture du pavillon “Faune et flore du Congo” sur le site du Heysel et qui fut prié d’imaginer quelques esquisses du futur musée de Montauban. Pas d’eau et pas d’électricité sur le site qui avait fait l’objet d’un classement fin 1959. Il n’était pas question d’y installer n’importe quoi. Pour limiter l’impact visuel, Constantin Brodski va d’abord imaginer un vaste parallélépipède entièrement vitré qui offrirait une vue à 180 degrés sur le site. Fouss est séduit ; la Commission royale des Monuments et Sites l’est beaucoup moins. Henri Lacoste, le président de ladite Commission, éminent spécialiste du patrimoine et de l’architecture en Belgique, suggère d’enterrer le bâtiment dans une déclivité du terrain en ménageant de grandes baies qui apporteraient la lumière naturelle nécessaire. L’intégrité du site en sera préservée. L’option est au dépouillement extrême, l’accès se fait par un escalier extérieur qui s’enfonce littéralement dans le sol.
L’éclairage des pierres sculptées est minutieusement étudié, non pas pour être vues de l’extérieur mais bien pour bénéficier de la lumière perpendiculaire qui mettra en valeur la richesse du décor. Le musée sera inauguré en 1960.
En 2010, le Musée gaumais avait rendu hommage à Constantin Brodzki, en sa présence. Une petite cérémonie émouvante avait célébré l’architecte et son œuvre, toujours si contemporaine. L’architecte est décédé le 28 mars dernier, laissant une œuvre remarquable dans l’architecture belge.
Chaque année, de nombreux visiteurs gravissent le sentier qui conduit au sommet de l’éperon. Le Musée gaumais et la commune d’Etalle ont installé des panneaux didactiques qui retracent l’histoire des lieux. A la demande, des visites guidées sont organisées par l’équipe pédagogique du Musée.
http://www.museesgaumais.be
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